LITURGIE du DIMANCHE
commentaire sur la Parole
Béni
soit le Règne qui vient |
Avec ce dimanche, l’année liturgique termine et la Parole qui nous est offerte nous place devant un jugement, un compte-rendu final qui se résume à deux possibilités simples: «Venez à moi» (Mt 25,34) ou bien «Allez-vous-en loin de moi» (25,41). Donc, la question que nous pouvons nous poser en cette solennité concerne précisément les coordonnées qui nous permettent de tenir compte de l’histoire, d’apprécier la vie. La liturgie semble nous dire que ces coordonnées, autour desquelles tout tourne et doit tourner, sont d’une part, la royauté du Christ Seigneur et, de l’autre, les plus petits de la terre. Mais royauté et petitesse sont synonymes. Chaque enfant est un petit roi et chaque roi authentique est capable d’être le garant et le défenseur des petits: en effet les grands et les puissants n’ont pas besoin d’un roi, au maximum, ils désirent le devenir en première personne. Ainsi, être petits et être roi ont en commun le même horizon de croissance dans la capacité de progresser et de faire progresser, selon la parole auctoritas en latin. À partir du texte évangélique d’aujourd’hui, nous pourrions dire que la royauté est la capacité de se rendre compte et d’accueillir la petitesse; la royauté, c’est la liberté de soi pour avoir les yeux pour les autres. Et voilà que l’image du pasteur dont nous parle Ézéchiel, nous permet de cueillir un passage lumineux et bénéfique de cette manière d’être roi. Dans les Écritures, le vrai roi ne peut être qu’un pasteur, comme David (1 S 16,11), dont la vie est entièrement vouée à soigner et à augmenter le troupeau: «c’est moi qui ferai paître mon troupeau» (Éz 34,15). La royauté pastorale ne se joue pas dans la distance, le trône, mais dans une proximité absolue, dans une présence continue au milieu du troupeau. La royauté dont le Seigneur Jésus est décorée et à laquelle chacun de nous est appelé, va dans la ligne inverse de la domination: la soumission à l’engagement de prendre soin, sans prendre, mais en se donnant, en donnant de soi-même. Le Seigneur Jésus est roi parce qu’il a vécu en profondeur le mystère de la soumission au Père, sachant prendre soin des hommes, ses frères. De même, Paul peut dire: «Quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous» (1 Co 15,28). Voilà le secret de la royauté du Christ: un jeu de soumission, libre et amoureux qui sait passer même à travers l’humiliation sans ne rien perdre de sa propre souveraineté royale. La fin d’une année liturgique devient l’occasion d’un examen de conscience sérieux pour faire le point sur notre démarche de suite et de conformation au Christ Seigneur. Les paroles du prophète Ézéchiel nous rappelle encore une fois les intentions les plus profondes et les plus vraies du Seigneur dans sa manière d’être en relation avec notre humanité. Ce qui importe et ce qui fait la différence, c’est de prendre soin des autres en première personne, et en risquant sa vie jusqu’à y engager son prestige. Le prophète Ézéchiel nous place devant une sorte d’insistance amoureuse: «C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer» (Éz 34,15). Ce que nous appelons communément «jugement universel», décoré de fresques par des artistes de chaque époque, comme dans la Chapelle Sixtine, en réalité, est universel, seulement dans la mesure où il est un «jugement personnel» exigeant et intime. En effet, «quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire» (Mt 25,31), il ne fera que révéler à chacun le niveau de personnalité atteint durant sa vie. La qualité de notre humanité se déduit de la capacité ou moins de rester auprès des autres, surtout des «plus petits» (25,40), se laissant toucher et interpeler par leurs besoins plus simples et quotidiens et de s’en charger. La parole de l’Apôtre peut être éclairante et nous aider à orienter notre cheminement: «étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts» (1 Co 15,21). Sans aucun doute, cela concerne notre relation au Christ Seigneur comme notre sauveur, mais le fait qu’il s’identifie aux «plus petits» signifie justement qu’à travers notre relation avec les plus nécessiteux s'actualise notre marche vers la résurrection. Chaque résurrection, qui n’est pas une fuite, commence déjà ici et maintenant, avec l’insurrection et la croissance de notre personne comprise comme capacité d’aimer dans la gratuité et sans aucun calcul. Tout cela, non seulement sans ne rien espérer en échange, presque sans s’en apercevoir en raison de son naturel absolu: «Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…?» (Mt 25,37). Si, personnellement, nous savons vivre cela, alors le Règne de Dieu adviendra déjà ici, déjà maintenant! Célébrer le mystère de la royauté du Christ est une manière subtile de faire le point sur notre liberté. Dans le mystère de sa croix, le Seigneur nous a conquis la liberté d’être fils et non plus serviteurs. Le désir d’être ses disciples nous rend de plus en plus libres d’être petits et d’aimer la compagnie des «plus petits». Comme il arrive souvent dans notre compréhension du mystère du Christ, les symboles peuvent nous ouvrir à l’accueil du mystère. Si notre Seigneur Jésus Christ est roi de l’univers, c’est justement parce qu’il s’est fait petit et pauvre avec nous et pour nous au point d’être absolument libre de toute peur, de toute crainte, de n’importe quel risque de chantage ou d’intimidation.
Alors que nous terminons une autre année liturgique, la plus belle
chose serait de découvrir que notre cœur, en célébrant les mystères
du Christ, en écoutant chaque jour sa Parole, est devenu plus simple,
plus libre, plus fils. Par conséquent, nous ne craignons aucun jugement
et nous nous abandonnons volontiers au regard doux et joyeux du Christ,
notre roi et Seigneur. La royauté pastorale, qui se réalise dans une
pastorale royale, ne se joue pas dans la distance mais dans la proximité
absolue d’avoir un regard attentif à chaque besoin, à partir des plus
simples et fondamentaux: la «faim» et la «soif». Ainsi, sommes-nous
rappelés à la concrétude du soin et de l’attention comme fruit de
notre condition de disciple à la suite du Pasteur qui s’est fait pour
nous, Agneau «doux et humble de coeur».
Seigneur
Jésus, dirige-nous, rassasie-nous, |